Alexandre Dupouy et les éditions Astarté : l’histoire de l’érotisme comme spécialité
Passionné d’érotisme ancien, Alexandre Dupouy est un collectionneur averti d’art et de photographies érotiques. Il possède à Paris et sur internet sa galerie-librairie, Les Larmes d’Eros, et a signé plusieurs livres consacrés à l’histoire de l’érotisme, notamment photographique. Quant aux éditions Astarté, dont il est le fondateur, elles sont en toute logique spécialisées elles aussi dans l’érotisme, et publient majoritairement des livres d’art, mais aussi quelques DVD, un peu de littérature et une revue, Maniac. Les quatre livres dont je parle ici appartiennent à la collection « Les Archives d’Eros » et ont été édités entre 2007 et 2010, avec des tirages oscillant entre 1000 et 2000 exemplaires.
Des livres bien réalisés
Du point de vue physique et éditorial, chaque titre de cette quadrilogie se présente de la même manière. Format A5 (15 x 21 cm), couverture souple, 96 pages intérieures sur papier couché et reliure cousue. Des ouvrages de belle facture donc, auxquels on pourrait peut-être seulement reprocher une mise en page du texte et un choix de police de caractère un peu ternes. Mais ce n’est là qu’un détail, d’autant que le texte n’est pas l’essentiel du contenu, loin de là. Il n’occupe que quelques pages pour une brève introduction, en français puis en anglais, qui resitue avec intérêt pour le lecteur la décennie concernée par chaque titre. Il la resitue principalement dans l’histoire de France, en rappelant les mœurs d’alors et le rapport de la société à la sexualité.
Ainsi les années 20 sont-elles celles de l’après-Première Guerre mondiale, avec une recherche effrénée du plaisir sous toutes ses formes et une émancipation des femmes ; les années 30 celles d’une certaine acceptation sociale de la nudité à travers l’apparition de plusieurs magazines flirtant avec le nu, et surtout celles de la véritable démocratisation de l’outil photographique qui s’invite désormais chez les classes modestes ; les années 40 sont celles de la Seconde Guerre mondiale, du pétainisme et du retour à des valeurs traditionnelles qui ne tolèrent guère le libertinage, mais aussi celles de certaines améliorations techniques de l’appareil photographique ; les années 50, enfin, sont celles du gaullisme, catholique et puritain, et d’un retour à la censure pour tout ce qui a trait à l’érotisme et à la sexualité. Mais l’histoire et la morale n’ont heureusement jamais empêché les gens de s’amuser ! C’est ce que nous prouvent les nombreuses photographies en noir et blanc reproduites ensuite dans ces livres.
L’amour en images, pour le plaisir
Avec cette quadrilogie, Alexandre Dupouy nous fournit une sorte de diaporama underground de la société française au début du XXe siècle. De décennie en décennie, nous voyons l’évolution de la photographie érotique et pornographique amateur, et l’évolution des lieux dans lesquels les clichés sont pris. Evidemment, ces clichés n’étaient pas destinés à nous parvenir, et encore moins à être diffusés. Ils ne relèvent pas de la pornographie professionnelle, même clandestine. Ce sont des photos personnelles et surtout intimes que la descendance, lorsqu’elle met la main dessus, a plutôt tendance à détruire.
Difficile en ce sens de savoir si elles sont réellement représentatives, mais il ressort tout de même que, dans les années 20, les photos sont plutôt prises en intérieur, avec des poses relativement figées. Sans doute l’appareillage photographique y est pour quelque chose.
Dans les années 30, l’extérieur est privilégié. Madame s’exhibe, sur sa terrasse, sur son balcon ou à la campagne. Les couples, les groupes d’amis se montrent nus au bord de la mer, au ski, etc. Ou bien encore on y fait simplement l’amour, à deux ou à plusieurs.
Les années 1940 retournent à l’intérieur. Les ameublements se modernisent. Jeux de flou, masques ou positions, les visages se cachent plus souvent. Et on commence à prendre de la distance avec l’image, à jouer avec en utilisant le principe des ombres chinoises.
Dans les années 50, les visages restent cachés. On voit apparaître les postes de télévision, les voitures se multiplient, l’amour en extérieur se fait parfois urbain. Mais le sexe, bien sûr, reste le même.
Ces quatre livres constituent ainsi une belle anthologie des débuts de la photographie érotique et pornographique amateur. A ma connaissance, c’est même une anthologie inégalée. Et elle est d’autant plus précieuse qu’il se dégage de toutes ces photos une gaieté qui fait plaisir à voir. Photographes et modèles ne s’y ennuient pas et nous montrent que la liberté sexuelle n’est pas une affaire d’aujourd’hui…
Sur ce, j’endosse mon plus bel appareil pour vous saluer dignement !
Informations complémentaires
Format : 15 x 21 cm
Nombre de pages : 96 chacun
ISBN : 978-2-909607-32-0 (Amateurs 1920)
978-2-909607-23-2 (Amateurs 1930)
978-2-909607-28-3 (Amateurs 1940)
978-2-909607-33-7 (Amateurs 1950)
Prix neufs : 22 euros chacun
Site de l’éditeur : www.editionsastarte.com
