L’EROTOSCOPE DE TOMI UNGERER

Livre érotique Erotoscope de Tomi Ungerer, éditions Taschen

Voilà un livre que je voulais découvrir depuis longtemps : l’Erotoscope de Tomi Ungerer, publié aux éditions Taschen. Mon exemplaire est la réédition de 2003, l’édition originale remontant à 2001. De format 20 x 26 cm, c’est un joli volume de plus de 400 p. sous couverture rigide (pas de jaquette ici, mais je crois que l’édition originale en a une). L’ouvrage est préfacé par Michel Houellebecq, et tous les textes – préface, introduction et présentations des chapitres écrites par Tomi Ungerer lui-même, biographie – sont traduits en trois langues (anglais, allemand et français), éditions Taschen obligent.

Recueil de dessins érotiques de Tomi Ungerer : Erotoscope, éditions Taschen

Tomi Ungerer est né est Alsace en 1931, à Strasbourg. Il est donc français, mais fut allemand pendant la Seconde Guerre mondiale (l’Alsace ayant été annexée), puis à nouveau français à la fin de la guerre. C’est toutefois aux États-Unis, où il s’aventure en 1956, qu’il rencontre le succès. Un succès immédiat et fulgurant. Il partira vivre ensuite en Nouvelle-Écosse au Canada, puis en Irlande. Il n’oublie cependant pas ses origines et fera don de bon nombre de ses œuvres aux Musées de Strasbourg. Il militera aussi activement pour l’amitié franco-allemande. C’est cependant en Écosse qu’il décède, en 2019.
S’il est évidemment connu pour ses livres destinés aux enfants, Tomi Ungerer a également publié de nombreux ouvrages pour adultes, des livres généralement édités en anglais (États-Unis ou Grande-Bretagne), en allemand (chez Diogenes Verlag) et en français (Le Cherche-Midi, Denoël, Albin Michel, etc.). Parmi ceux qui nous intéressent ici, citons notamment : The Party (1966), Fornicon (1969), Totempole (1976), Babylon (1979) ou encore Grenouillades (Das Kamasutra der Frösche, 1982) (les dates indiquées sont celles des premières éditions, pas forcément françaises).

L’Erotoscope publié par Taschen est en fait une monographie du travail érotique de Tomi Ungerer, compilant environ 400 dessins, publiés dans d’autres volumes ou inédits pour certains. Autrement dit, c’est une synthèse, où l’on découvre les nombreuses facettes artistiques de Ungerer. L’ouvrage se décompose en chapitres thématiques, neuf au total, reprenant plus ou moins les titres des ouvrages dont sont extraits les dessins (je dis « plus ou moins » car ce n’est pas toujours le cas) : « Fornicon », « Totempole », « Herbertstrasse – Hamburg », « Babylon », « Ladies and Housewives », « The Party », « Good Old Times », « Frogs and Flowers » et « Last Rites ».

Sommaire du livre érotique Erotoscope de Tomi Ungerer

Ce qui frappe en feuilletant ce livre c’est la richesse et la diversité des dessins. Ma préférence va au chapitre « Totempole », là où les dessins sont le plus premier degré, le plus sincèrement érotiques. Le trait est souvent épuré, évident, et les dessins aussi grâcieux que chargés érotiquement. Le thème ici est clairement BDSM, comme dans beaucoup d’autres dessins du livre. Il n’y a d’ailleurs pas vraiment de sexe à proprement, mais des femmes liées, sous contraintes. Je cite : « J’ai conçu ce livre [Totempole] à une époque où j’avais une esclave qui prenait jouissance à sa fonction. Je pense que l’érotisme, objet de culte, peut atteindre des dimensions mystiques. L’orgasme érotique nous distingue de l’orgasme animal. […] J’aime dessiner la femme, surtout en position de contrainte. Une sangle donne aux courbes un contraste plus accentué. Une femme attachée se détache de la réalité. Elle se fluidifie, et il en va de même du crayon qui la trace sur le papier. »

Dans le même esprit, il y a les dessins du chapitre « Herbertstrasse – Hamburg ». Cette rue est connue pour être un lieu de prostitution, et Tomi Ungerer y a conçu un reportage dessiné paru en France sous le titre Les Anges gardiens de l’Enfer. « J’ai eu la chance à Hambourg de rencontrer Domenica, l’impératrice des prostituées, qui tenait un bordel. Par elle, j’ai appris à connaître ce que j’appelle les limousines de la prostitution. Des femmes ‘cuirs’ dont la spécialité est de donner satisfaction à des masochistes. J’ai découvert chez ces femmes une élite compréhensive, intelligente, sans préjugés. […] Le sujet de mon livre était la question : qu’est-ce qui est normal ? Beaucoup de leurs clients sont des psychiatres. Qui est normal ? Le psychiatre ou le déglingué qui se traîne sur son divan ? »

Ailleurs, le dessin se fait plus dénonciateur, fort d’un humour intelligent, d’une imagination foisonnante et d’une inventivité dans les accessoires qui rivalise – dans un style certes tout à fait différent – avec celle de Joseph Farrel.
Fornicon est une « satire sur l’obsession américaine du rendement. On y fait l’amour préfabriqué et des machines se substituent à ce que beaucoup ont peur de faire. Pour l’Américain, la machine est une garantie, elle rassure par son fonctionnement. Contrôlée, elle donne un sens de la liberté. »
« Babylon est une synthèse de la société actuelle banalisée par la consommation. Pour moi, Babylon est l’exemple du dessin écrit. Tout ce que l’on pourrait dire sur la pédagogie, la pollution, la tyrannie industrielle, l’éternel vice de la rapacité, tout cela, dans une goulache de bêtise. J’ai essayé de le concentré sans succédané. »
Ladies and Housewives « est un livre qui n’a jamais été publié. Une galerie de fantasmes féminins devenus réalité. Jeunes ou vieilles, quel que soit leur rang social, elles cachent toutes un désir lancinant pour une expérience bizarre, nourrissant et entretenant des fantasmes libidineux et honteux ».
The Party relate le monde des réceptions, des mondanités. Là où il faut être pour être vu, entendu, pour s’oublier aussi sans doute. « Au bout du compte, les ‘parties’ et les partouzes sont ennuyeuses et grotesques. Le but recherché est le plaisir, mais ce n’est qu’une tyrannie exercée sur des personnes en manque de plaisir. »
Le chapitre « Good Old Times » reprend des dessins parus dans plusieurs ouvrages : Femme fatale, Histoires pour grandes personnes et une version érotique du Grand Livre des chansons.

Puis il y a les grenouilles, extraites de The Joy of Frogs. « Dans le royaume animal, je trouve les grenouilles particulièrement sexy : elles ont la peau lisse, pas de poils pubiens, une énorme bouche béante et de longues jambes nerveuses. » Il y a les fleurs aussi : « De toutes les fleurs, les orchidées sont les plus labiales. […] Ce sont des allumeuses végétales, des provocatrices éhontées, dardant parfois une langue fourchue. Il est tout naturel qu’un naturaliste comme moi développe de nouvelles variétés explicites dans la serre de mon imagination. »

Enfin il y a la mort. Des dessins parus pour la plupart dans Rigor Mortis. « Je suis déjà mort deux fois, et j’aurais pu mourir à quelques autres reprises. Une expérience de soulagement, de paix et de sérénité. La mort vaut la peine d’être vécue. Ce n’est que la fin d’une condamnation à vie. »

Je connaissais peu le travail de Tomi Ungerer jusque-là. Seulement quelques dessins glanés à droite ou à gauche sur internet qui m’avaient séduit. Une impression qui n’était pas trompeuse : voilà un livre qui a tout sa place dans mon Érothèque et qui la gardera longtemps !

Informations complémentaires

ISBN : 9783822823811
Format : 20 x 26 cm
Nombre de pages : 416 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut
L'Érothèque