EROS EN ANGLETERRE, 1960

Revues érotiques anglophones des années 1960 : Dolly, Kitten, Nylon Flash, Go go Girls, Danish au pair, Zip, Bizarre Trend

Voilà un lot que j’ai reçu dernièrement, et qui m’ouvre à un univers que je connais peu : celui des magazines pour hommes, plus précisément ici des années 1960. J’attends d’ailleurs un autre lot contenant également des magazines plus ou moins de cette époque, mais français cette fois. Car ici il s’agit de revues anglophones, et même anglosaxonnes. Mais enfin la barrière de la langue n’en est pas vraiment une quand il s’agit de recueil de photos.

Mes connaissances étant ce qu’elles sont en ce domaine, ce fut l’occasion d’aller faire quelques recherches sur ces parutions afin de les dater et de glaner les informations disponibles sur leurs éditeurs. Car assez peu de mentions sont indiquées sur les revues elles-mêmes, composées comme je l’ai dit essentiellement de photographies. Un site m’a apporté une bonne partie des informations relayées ici, donc autant le citer expressément : https://vintagefetish.website.

Un dernier mot avant de rentrer dans les détails : ces revues ne sont clairement pas pornographiques, au sens où on l’entendrait aujourd’hui. Elles relèvent plutôt de l’érotisme, voire d’un érotisme très soft, tout en suggestion. Question d’époque je présume, car je ne pense pas qu’il existait alors des magazines – en vente libre et officielle, j’entends – que nous qualifierions de pornographiques. Les mœurs n’étaient pas les mêmes…

Gold Star et Gadoline Publications

Plusieurs de mes revues sont issues de ces éditeurs : La Femme (Gold Star Publications, 1967) , Choice n°6 (Gold Star Publications, 1967), n°11 (Gold Star Publications, 1967) et n°14 (Gadoline Publications, 1969), Kitten n°2 (Gadoline Publications, 1969) et Go Go Girls n°14 (Gadoline Publications, 1969).

Premières recherches, premières contradictions… Selon Wikipédia, Gold Star Publications aurait été fondé en 1972 par David Gold et son frère (jusque-là, c’est logique) associés à David Sullivan, homme d’affaires ayant commencé dans la pornographie, notamment de presse. Sauf que le site vintagefetish déclare pour sa part que Gold Star Publications aurait existé deux années durant, de 1967 à 1968, Gadoline lui emboîtant le pas entre 1968 et 1971. Cela est beaucoup plus crédible au vu des dates de parutions des magazines que je possède. [Que valent réellement ces dates ? Selon le Dictionnaire des livres et journaux interdits de Bernard Joubert, des titres publiés par Gold Star Publications – dont certains importés en France – y ont subi des interdictions (de vente aux mineurs, d’affichage/exposition ou encore de publicité) en 1979 et 1980 : Big Girls, Fantasy, Swisch ! et Candid. S’agit-il d’une renaissance de ce label éditorial ? Gold Star n’aurait-il pas cessé durant toutes les années 70 ? Je ne saurais le dire…*]

Il ajoute que certains titres initialement publiés par Gold Star seraient ensuite sortis sous le label Gadoline : Relax, Mustang… et manifestement Choice également. Mon n°14 porte en effet ce label, tandis que les n°6 et 11 sont parus sous la mention Gold Star. À noter que le n°14 n’a pas le même format que les deux autres, se contentant d’un 17,5 x 11,5 cm contre 21 x 13,5 cm pour les deux parutions Gold Star. S’agit-il entre ces deux maisons d’un simple changement de nom pour déjouer certains ennuis – financiers, administratifs… – ou bien de la reprise de la première par la seconde, dirigée par d’autres hommes, je n’en sais rien. Je n’ai guère trouvé d’autres infos sur Gadoline, susceptibles de m’éclairer. [L’adresse postale de Gold Star, jusque dans la fin des années 70, est donnée à Gadoline House. Ce qui laisse entendre qu’il s’agirait de la même structure, sous deux labels.*] Quoi qu’il en soit, ces deux éditeurs semblent avoir été assez prolixes en titres parus, parfois pour un seul numéro.

Question contenu, mes exemplaires sont assez similaires, composés presque exclusivement de photos noir et blanc en pleines pages de femmes nues ou dénudées, parfois vêtues de tenues suggestives (Kitten est plus soft cependant). Les photos sont travaillées, en intérieur ou extérieur, avec des modèles prenant des poses étudiées. Clou du spectacle : une sorte de poster central sur deux pages, en couleur pour les parutions Gold Star, plus généreuses manifestement envers leurs lecteurs !

Pennine Magazines

Nylon Surprise, Nylon Flash, Danish Au Pair… Trois de mes revues sont le fait de Pennine Magazines. Aucune date sur ces exemplaires, mais selon vintagefetish cet éditeur aurait œuvré dans les années 70 [et même dès la fin des années 1950, avec des titres comme Bamboo, Figure, Form and Figure, Light and Shade et Stag, importés et sanctionnés en France*]. Serait d’abord paru Nylon Surprise, suivi par Nylon Flash, Satin Flash et Smooth Satin. Puis quatre autres titres sortirent : Exotic, Terrific, Fantastic et Dynamic. De fait, mes exemplaires de Nylon Surprise et Nylon Flash, respectivement les n°34 et 24, promeuvent à la fin les autres titres de l’éditeur.

Vous l’aurez peut-être constaté, sur chacun des trois titres le prix affiché sur la couverture l’est en plusieurs devises : penny, np (?), dollars, cents. D’ailleurs, sur Danish Au Pair, le prix est mentionné uniquement en dollars et Kr (couronne danoise ?). Cela laisse supposer que les magazines étaient également destinés à l’exportation, Pennine Magazines étant un éditeur anglais (siégeant dans la ville de Sheffield).

Nylon Surprise et Nylon Flash sont très similaires : même format (12,5 x 18 cm), papier intérieur glacé, photos noir et blanc. Chose à noter : chacun de mes titres est consacré à un seul modèle, qui occupe tout le magazine (enfin, deux modèles dans le cas de mon Nylon Flash). J’imagine que c’est le concept même de ces parutions. D’ailleurs, la quatrième de couverture de mon Nylon Surprise fait explicitement appel à des modèles pour les prochains numéros : models urgently wanted for futur issues of this magazine. Dernière chose à souligner, amusante : en dépit de ce qu’annoncent les titres de ces magazines, il n’est pas spécialement question de nylon dans ces photos. Quelques bas, certes, dans mon Nylon Surprise, mais ce n’est clairement le centre de la parution. – La culotte peut-être ?

Danish Au Pair est pour sa part un peu différent. Son format est plus grand (14 x 21 cm), les premières et dernières pages sont imprimées sur du papier rose non surfacé tandis que le reste l’est sur du papier blanc, tantôt surfacé tantôt non. Si l’usage de papiers de différentes couleurs peut s’entendre esthétiquement, celui des différents papiers blancs laisse imaginer une impression au rabais ou réalisée dans l’urgence, avec les stocks disponibles. Mon numéro présente quatre modèles, toujours dans un esprit érotique plus que pornographique, mais avec un peu plus d’audace (on y voit des sexes féminins).

Je n’ai absolument rien trouvé sur cette parution, et ne sais pas du tout si d’autres numéros ont suivi…

Span, Girly, Bizarre Trend… et un curieux Private

Parmi les autres titres de mon lot, se trouve le n°150 de Span, publié par les éditions ToCo (Town and Country Publications) en février 1966. ToCo serait une structure importante et surtout durable puisque selon ma source elle aurait édité de 1953 à 1976. Ses titres Span, Spick et Beautiful Britons connurent un grand succès, constitués de photos plutôt sages comparées à celles des autre titres dont je parle ici. Les femmes y sont habillées, montrant seulement une jarretelle ou la lisière d’un bas. C’est d’ailleurs ce qui aurait causé la perte de la maison d’édition, perdant son lectorat à mesure que les autre publications s’enhardissaient dans l’érotisme au fil des années 70. ToCo aurait connu au cours de son existence une diffusion internationale conséquente, jusqu’à l’Albanie.

Zip et Dolly proviennent de Caballus Publications Limited. Pas de date sur ces revues, ni de mention du numéro. Tout ce que je sais de cet éditeur est qu’il aurait également publié d’autres revues : Lingerie, Bounce, Pagan

Invite (sans date ni mention de numéro) serait le fait de Hellenic Publications, Girly (n°59, sans date) celui de Colonna Press [Ben’s Books*], et L’Amour (sans date ni mention de numéro) celui de Brüden Art Publication. À noter que Invite accueille des modèles noirs et asiatiques, chose que je n’ai trouvée dans aucun autre de mes magazines.

Enfin, viennent Bizarre Trend et Private, deux magazines assez différents des autres titres présentés ici. Mon numéro de Bizarre Trend est le n°1, publié par Fantasy Publications en 1968. Comme son nom le suggère, il est orienté fétichisme du vêtement, avec cuir, latex, tenues dorées, cagoule, etc. Outre les photos, on y trouve un courrier des lecteurs, une courte histoire : « Madame du cuir vernis » (texte en anglais), et quelques dessins domina fetish (d’assez mauvaises qualités, soyons honnête). Là encore, je n’ai pas su déterminer si d’autres numéros avaient suivi…

Vient enfin le cas de Private. Il s’agit selon la quatrième de couverture d’une licence anglaise d’un magazine danois. Là encore, nulle trace de l’année de parution ni d’un quelconque numéro au sein d’une série. Deux éditeurs sont mentionnés dans les pages publicitaires au seins de la revue : Subdean Publishing et Sensation Publications (dénommé également Sensational Publishing). L’un d’eux est probablement celui du magazine, à moins que les deux soient deux labels d’une même structure. Leurs adresses postales, londoniennes, divergent cependant.

Toujours selon ces pages publicitaires, les livres et films disponibles à la commande seraient pour beaucoup de l’import, depuis les États-Unis ou la Scandinavie, promettant de la pornographie beaucoup plus explicite. Et les noms résonnent forcément aux oreilles de l’amateur : Private Magazine (printed by Exhibition Mags en Suède), Suède Climax, Climax au Danemark (Color Climax ?)… Faut-il en déduire qu’il existe une filiation entre mon exemplaire et la revue Private suédoise ? Difficile à affirmer, d’autant que mon Private serait d’origine danoise. Mais un élément pourrait conforter cette hypothèse : la police de caractère utilisée pour le titre est la même que celle de la publication suédoise – moins travaillée certes, mais la même. Imaginer une collaboration entre éditeurs scandinaves (danois et suédois, en l’occurrence) pour accéder aux marchés internationaux ne paraît pas aberrant. Je ne sais s’il y a d’autres exemples avérés d’une quelconque collaboration entre Climax et Private. Mais il se pourrait bien, si mon Private date effectivement comme mes autres revues de la deuxième moitié des années 60, que ce soit là les débuts de ces noms devenus depuis célèbres dans l’univers du porno.

Quoi qu’il en soit, bien que demeurant très soft, mon Private est la seule revue de ce lot mettant en scène un couple en action. On reste cependant très loin du porno hardcore scandinave, mais un pas semble franchi. Il ne s’agit plus simplement de pin up et de filles dénudées. Dernier détail amusant, ma revue s’ouvre et se ferme sur un article sociologique sur le fétichisme des seins : The Breast Fetish. Quand le sérieux se mêle au cul…

* Les informations données entre crochets ont été apportés après coup, selon les informations trouvées dans le Dictionnaire des livres et journaux interdits de Bernard Joubert, éditions de Cercle de la librairie, 2007, Paris.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut
L'Érothèque